La Symbolique de la Pratique des Vœux et des Cadeaux

La période des festivités marquant pour les chrétiens les célébrations de la Nativité du Seigneur, d’une part, et les festivités de la fin d’année civile pour les non-chrétiens, d’autre part, donne souvent lieu à des expressions d’attention particulière et des gestes à partir desquels les personnes individuelles, les entreprises commerciales ou les groupes de personnes expriment leur gratitude à Dieu, aux uns et aux autres pour le don de la vie, les bienfaits reçus ou pour l’engagement dans l’entreprise, le lieu de travail tout au long de l’année écoulée. Offrir, recevoir un cadeau, rendre la pareille tissent et renforcent les relations humaines. Encore faut-il que le don soit fait et accueilli avec justesse et attention à l’autre, et si possible à l’abri des pressions commerciales. Selon les cultures, les pays et traditions (dans les entreprises commerciales de tradition anglo-saxonne, et cette pratique s’est étendue à d’autres, on offre des goodies, littéralement des « bontés », c’est-à-dire des choses bonnes, à Noël pour fidéliser ses clients et augmenter sa notoriété), ces expressions de gratitude se déroulent selon des calendriers particuliers fixant les fêtes et usages. Dès lors, le présent article se propose modestement, en quelques petits points, d’expliquer la symbolique de la pratique des vœux et des cadeaux pendant les fêtes de fin d’année.

1. Le fait d’offrir un cadeau crée des liens

Il convient, sur le plan symbolique, de préciser de prime abord que l’échange de cadeaux est une pratique très ancienne. En effet, en étudiant les sociétés dites primitives ou archaïques, l’ethnologue Marcel Mauss a mis en évidence au début du vingtième siècle le mécanisme du don et du contre-don. Selon la weltanschauung, autrement dit la vision du monde, de ces sociétés premières, il est bon de faire des cadeaux aux autres groupes, aux autres villages. Ensuite, ce cadeau doit être accepté et ceux qui l’ont reçu s’obligent à rendre un don équivalent (c’est la pratique du potlach). Ce processus instaure des liens durables entre les clans, puisqu’il est sans interruption.

Aussi, à la lumière de ce qui précède, il appert que dans la pratique moderne et contemporaine de la présentation des vœux, avec en principe échange de cadeaux lors des fêtes de Noël ou de fin d’année civile, les présents entre individus, ou responsables d’entreprises commerciales et employés, ont aussi pour caractéristique de créer des liens ou de les renforcer. En ce sens, sur un plan beaucoup plus affectif, offrir par exemple des fleurs exprime le plaisir de rencontrer l’autre et le souhait de le voir heureux. Peut-être aussi, pour les amoureux, de rester un peu plus présent dans la vie de l’élu(e), dans son cœur.

Parfois, la magie de l’offrande du cadeau n’est pas toujours au rendez-vous. Devenue adolescente, Françoise reprocha à son papa la manière dont il recevait les dessins qu’elle lui offrait en cadeau quand elle était petite : « Tu disais toujours qu’ils étaient magnifiques, mais parfois tu les regardais à peine… ». Sans doute les appréciait-il vraiment, mais ne se rendait-il pas toujours assez disponible au moment de les recevoir. Un peu comme quand on offre un cadeau et que l’autre le dépose sans l’ouvrir.

Il n’est donc pas facile de viser juste et, lorsque l’on recherche une idée de cadeau, l’on se rend parfois compte que l’on connaît les autres, parfois pourtant assez proches, de manière très limitée. Si l’on ne sait pas ce qui ferait plaisir à une personne familière, c’est sans doute qu’on l’a peu interrogée sur ses désirs et ses envies. On pourrait lui poser la question franchement avant de faire un achat, mais ce serait gâcher la surprise, qui fait aussi partie de l’effet recherché : la petite flamme qui s’allume dans les yeux de celui ou celle qui découvre ce qu’il ou elle vient de recevoir…

Néanmoins, dans le contexte du marchandage triomphant de toutes sortes de marchandises à quoi donne lieu le diktat de la société lors de la célébration actuelle des festivités marquant Noël et les fêtes de fin d’année civile, tous ceux qui le désirent peuvent-ils offrir ou s’offrir le luxe des cadeaux ?

2. Le diktat parfois incontournable du marché du cadeau

L’habitude sociale du cadeau de Noël ou de fin d’année civile n’est pas seulement attendue avec fébrilité, impatience et même anxiété par les enfants, mais aussi par les adultes, surtout ceux que sont les commerçants. Car c’est à cette période que les commerçants réalisent souvent une bonne partie de leur chiffre d’affaires. Selon une étude menée par une agence de marketing BD my shopi, spécialisée dans les folders publicitaires, et le bureau d’études de marché Profacts, un petit Wallon sur cinq reçoit entre 50 et 100 € de cadeaux pour la Saint-Nicolas, et certains sont même plus privilégiés puisqu’un sur cinq reçoit plus de 150 € de cadeaux. Pour Noël, chaque ménage belge dépensera en moyenne 591 €, dont une partie importante pour les cadeaux. Et cette somme est en régression puisqu’elle était en 2015 de 631 € par ménage. En convertissant ces chiffres dans le contexte camerounais, il ressortirait qu’un petit Camerounais sur cinq recevrait entre 32 500 frs CFA et 65 000 frs CFA de cadeaux pour la Saint-Nicolas, et chaque ménage camerounais dépenserait en moyenne entre 384 150 frs CFA et 410 150 frs CFA. C’est tout dire.

Le secteur du cadeau a donc une importance significative dans l’économie et il n’est pas étonnant que le marketing produise tant de messages publicitaires en tous genres et sur toutes les formes de supports pendant la période des fêtes de Noël et de fin d’année. Car il y a gros à gagner. Offrir un cadeau à Noël ou en fin d’année civile est-il juste faire un don gracieux ou cela relèverait-il d’une obligation ?

3. Offrir un cadeau est-il un don gracieux ou une obligation ?

Étant donné que la tradition de la présentation des vœux, doublée de l’offre des cadeaux, est une habitude qui est entrée dans les mœurs des personnes, pour atteindre son but, le cadeau doit créer de la légèreté dans les relations. Pour revenir à l’exemple des fiancés qui s’offrent des cadeaux, au début de leur histoire, ces derniers sont animés par l’envie d’apporter quelque chose l’un à l’autre, à chaque rencontre. L’objet a son importance à ce moment. « L’intention vaut l’acte », dit l’adage. Marcel Mauss disait : « Présenter quelque chose à quelqu’un, c’est présenter quelque chose de soi. Accepter quelque chose de quelqu’un, c’est accepter quelque chose de son essence spirituelle, de son âme ». C’est bien vrai pour la problématique dont il est question dans cet article.

En réalité, la symbolique des cadeaux peut dire beaucoup des liens qui nous unissent, pour autant que l’on soit attentif à tout ce qui peut en pervertir le sens gratuit. Dès lors, étant donné le caractère quasi piégé, coercitif ou obligatoire qui transparaîtrait peut-être de l’offre des cadeaux à Noël ou en fin d’année civile pour les uns et les autres, pouvons-nous trouver une ou des alternatives à ce moment important de la vie en société ?

4. Des alternatives à l’échange de cadeaux

Afin de garder l’esprit convivial et festif de l’échange symbolique de cadeaux à Noël et en fin d’année civile, et se prémunir de la récupération commerciale du processus, nous pouvons aussi opter à l’occasion pour l’achat de cadeaux dont la valeur n’est pas financière : un objet personnalisé et réalisé soi-même, une proposition d’entraide pour quelques travaux nécessitant de la main d’œuvre importante, une soirée entre amis, etc.

On peut aussi fixer entre soi le prix maximum à ne pas dépasser, afin de ne mettre personne mal à l’aise et d’éviter la surenchère. Pour éviter le cadeau qui ne plaît pas, la publication par chacun des convives d’une liste de choses qui lui feraient plaisir oriente le choix. À l’heure des e-mails et des smartphones, c’est le genre de pratique qui peut s’instituer très facilement.

Dans les groupes, cela permet aussi à tous de participer sur un pied d’égalité, sans se sentir obligé de dépenser une certaine somme ou de s’endetter, que ce soit pour faire plaisir ou pour garder ou sauver la face.

Pour tout dire, à la question de savoir ce que signifierait la symbolique de la pratique des vœux et des cadeaux pendant les fêtes de fin d’année civile, en tant que chrétien, il faudrait retenir que cette pratique est beaucoup plus mondaine que chrétienne. En réalité, elle fait écran, dilue, brouille et ternit la signification profonde de la Nativité, plutôt qu’elle ne l’éclaire. Néanmoins, il n’est pas superflu de dire qu’il n’y a pas que lors des fêtes de Noël ou de fin d’année civile où l’on offre des cadeaux. Les petits ou grands événements de la vie sont souvent marqués par des échanges de cadeaux. Par exemple, dès la maternité, l’enfant qui vient de naître se retrouve entouré de peluches et de jolis vêtements. Il recevra de nouveaux trésors pour ses anniversaires de naissance ou lors des fêtes spéciales : baptême, profession de foi, obtention d’un diplôme, mariage, etc. Très souvent, nous arrivons chez des amis avec des fleurs, une bouteille de vin, un objet typique ramené des vacances, voire un dessert que l’on a préparé. À Noël ou à la fin d’année civile, beaucoup de familles s’échangent des cadeaux, parfois dans la continuité de la fête chrétienne, mais aussi pour célébrer les liens qui unissent des proches. Pour le chrétien, le symbole le plus fort, le seul, le vrai, le beau, l’unique et le plus significatif cadeau qui vaille la peine de recevoir et de l’offrir en retour aux autres, c’est celui que le Dieu éternel, créateur et rédempteur fait à l’humanité déchue : celui de son Fils unique Jésus-Christ, le Sauveur. Toutefois, dans les temps qui sont les nôtres, beaucoup même parmi les rangs de ceux qui se déclarent chrétiens le comprennent-ils vraiment ? C’est à vous-même, cher lecteur qui vous êtes donné le loisir de lire cet article, qu’il convient sans forfaiture de donner la réponse honnête à cette question.

Père Florent ZE NTONGO, Aumônier Général de l’Apostolat des Laïcs, CENC

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